Le moulin de Villeneuve
# Critiques

De la fine farine philosophique

Un recueil de nouvelles, un moulin ouvert aux lecteurs avides de découvrir ce que la curiosité de l’auteur a engrangé au cours de ses voyages, ses visites et ses rêveries. Le fil conducteur de l’ouvrage est la passion pour l’objet, ancien de préférence, mais l’intérêt de l’auteur l’aiguille aussi autour de ceux qui l’ont réalisé, sauvegardé ou collectionné. Et cet enthousiasme devient très vite communicatif. La minutie, quasi balzacienne, avec laquelle les choses sont présentées procure un vrai plaisir et une envie de partager avec le guide ces moments de culture vivante et d’émotion raffinée. Qu’il s’agisse d’un modeste lavabo dans le coin d’une chambre d’hôtel, d’un tube de couleur jaune destiné à une peinture printanière, de cartes murales suspendues au fond d’une classe poussiéreuse, du matériel de gravure rangé dans l’atelier de Félicien Rops, d’un vieux fauteuil voué à la déchetterie, de la plume du poète comparée au clavier sans vie du critique littéraire, des délicieux jardins anglais préférés aux froides géométries cartésiennes, du bric-à-brac phénoménal empilé dans une maison d’artiste ou enfin de ce décor merveilleux qui abrita Aragon et Elsa au cœur de leur moulin de Villeneuve, partout souffle l’esprit, ou mieux encore, l’âme des créations humaines, des plus humbles aux plus nobles. Ce petit volume d’une centaine de pages est en plus habité par des personnages étonnants qui lui confèrent une réalité riche en surprises : on y croise Barbara en quête d’une réponse à un grand secret de famille, Arthur dans tous ses états, le solide, le liquide et le gazeux, la mystérieuse et attachante Marie blottie dans sa chaise roulante, monsieur Dieu en personne dans l’escalier entre deux étages, l’humain et le divin, Baudelaire en piteuse posture d’épave sur les dalles d’une église namuroise et Mozart enfin à l’extrémité sublime de son Requiem. Et pour clôturer en beauté le séjour dans ce pittoresque moulin de papier, quelques réflexions sur l’écologie, la politique, la société, le désir et l’éternité… De quoi ajouter de la fine farine philosophique à un menu littéraire de fort bon goût.

Michel Ducobu

(Le titre est de la rédaction)

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