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Sur cette photo datée de 1909, qui est mon père? Voilà une des énigmes que j’ai eu à résoudre. A travers le récit d’une vie ni plus extraordinaire, ni plus banale qu’une autre, c’est tout une époque qui revit, du début du 20e siècle jusqu’à l’Expo 58. Deux guerres mondiales marquèrent profondément les témoins de ce demi siècle, au cours duquel des êtres de chair et de sang ont vécu, se sont aimés, ont souffert et sont morts, laissant à leur descendants un héritage et des valeurs à perpétuer.
Il aura fallu que j’atteigne l’âge de soixante-sept ans pour découvrir cette liasse de documents enfouis au fond de ma cave. Comment sont-ils arrivés là? Probablement entassés avec d’autres objets après le décès de ma mère, dans la précipitation, lorsqu’il faut vider les lieux. Mais toi, tu nous as quittés il y a bien longtemps, presque un demi-siècle. Je venais d’avoir vingt et un ans, quand un infarctus ta brutalement ôté la vie, une vie que je découvre maintenant à la lumière de ces documents et de ces lettres. Et je constate avec stupeur que je ne te connaissais pas. Pourtant nous avons vécu une vingtaine d’années côte à côte, mais sur des chemins parallèles qui ne se croisèrent qu’en de rares occasions.
Quant à ton passé, jusqu’à ma naissance, c’était pour moi un trou noir, une terre inconnue. Seules quelques bribes d’information étaient parvenues à mes oreilles d’enfant, puis d’adolescent. Il est vrai que j’étais un enfant timide, réservé. Je n’osais pas poser de questions, persuadé que de toute façon ton passé ne me concernait pas. Je pressentais seulement que ta jeunesse avait été difficile. Mais peut-être était-ce au sein de la famille un sujet tabou.
Et voilà qu’aujourd’hui je découvre mon vrai père, celui qui était caché dans cette liasse de documents et que, bon gré mal gré, il n’a pas pu être pendant les vingt années que nous avons vécu ensemble. C’est pourquoi aujourd’hui je décide de te faire renaître. Les témoignages que tu as laissés n’étaient qu’en sommeil, comme anesthésiés par une glaciation de près d’un demi-siècle. Je vais reprendre tout depuis le début. C’est justice. Je te dois bien ça.