Jean-Louis Crousse
Voilà un livre bien fait et paradoxal de surcroît, puisque les deux héros, Frédéric et Barbara, nés aux heures probablement les pires du siècle, dans des camps antagonistes, vont vivre après la guerre des temps globalement sereins, une complicité profonde que tout conspire à transformer en convergence de désirs et de plaisirs d’amour de plus en plus partagés. Certes l’ouragan de la guerre et de la peste nazie n’est pas passé sous silence; c’est même de cela que leurs mémoires sont nourries, mais la vague est bien passée, jugulée, elle ne hante pas leurs nuits ni leurs jours et rien de semblable ne s’annonce à l’horizon. Ce livre n’est pas tragique le moins du monde, tout coule, « panta rei », et c’est très bien ainsi. L’éveil de la vie, le flux du désir naissant chez les deux jeunes gens, la quête du bonheur, tout cela a toutes les apparences d’un long fleuve tranquille; les pensées, studieuses, font leur chemin, plus ou moins parallèlement. En ce sens d’écoulement et de métamorphoses, on peut légitimement qualifier « Les enfants de Munich » de roman-fleuve.
Je vois deux points très forts dans ce livre:
– l’épanouissement de la sexualité et l’érotisme qui colorent merveilleusement le livre, d’autant plus juste et enveloppant que cela s’opère de manière suggestive (l’inceste et le lesbianisme y ont leur place).
– le besoin de comprendre, avec, comme auxiliaires, la philosophie, l’histoire et l’archéologie.Sentiments, musique, philosophie: on est proche, me semble-t-il, des grands romans de Goethe: Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister et Les Affinités électives.
Jean-Louis Crousse
Joseph BodsonTout cela réuni donne aux « Enfants de Munich » une grande harmonie: le roman, à travers ses apparentes errances, se dirige vers une fin très calculée, très construite, avec un grand art de l’intrigue, et nous délivre le message du plus bel humanisme: la réconciliation des anciens peuples ennemis d’Europe, et cela non dans une perspective égocentrique, mais afin de permettre à l’Europe, à son tour, de s’ouvrir sur d’autres continents. Ce n’est pas impunément que l’on passe des Hautes Fagnes à Balise, à Trêves, à York, à Coblence, Barcelone et Marrakech, pour aboutir finalement à Munich. Le passé nous construit et les méandres de notre coeur et de notre esprit ne sont pas sans évoquer ceux que tracent, sur les vieilles cartes d’Europe, les fleuves et les frontières, même si ces frontières sont appelées un jour à disparaître. Et c’est ainsi que le livre se termine par l’évocation de Henri Heine, le juif allemand, en tant que figure emblématique du rachat de l’Allemagne, et peut-être de l’Europe. Joseph Bodson |
La Libre Belgique du 24 août 1999
Radio Antipode 12/03/2001Chapeau : A vous Livre s’élance sur deux tranches de vie magnifiquement rendues par Jacques Goyens dans les Enfants de Munich. DENIS LEDUC Les Enfants de Munich de Jacques Goyens Au travers de sa prime enfance on revit les premiers mois de la guerre, l’exode, l’attente de la fin de la guerre, la libération. Puis c’est la scolarité, l’adolescence et ses premiers émois et l’université. Le parcours du tendre, l’initiation sentimentale, la découverte des corps et les premiers voyages. L’auteur rend cette époque avec finesse et un net attachement qui fourmille de petits détails très vrais. Ainsi l’ambiance de l’Expo 58 et ce qui s’en disait est offert au lecteur avec une nostalgique jubilation. Barbara nous est décrite déjà adulte dans une Allemagne qui se reconstruit et dans ces familles peuplées de fantômes disparus d’une époque et les questions silencieuses de l’Allemagne sur l’Allemagne. Ils vont se trouver et lentement ces deux Enfants de Munich vont cheminer vers l’amour et l’état de couple. Le livre se conclut par une vibrante interrogation sur la liberté, la force de Je vous signale que Jacques Goyens est également l’auteur d’un recueil de Les Enfants de Munich de Jacques Goyens aux Editions Lux Denis Leduc Radio Antipode sur 105.5 Mhz en Brabant wallon |